Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


12 juil. 2015

Du forum au castrum – Les arches de Bagacum

Bagacum - Vue du crypto-portique (Photo par Axel)
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C’est sous un ciel brouillé, comme il se doit, que sous les voûtes du printemps timoré nous nous rendîmes en les ruines épuisées de Bagacum, cité trépassée depuis plus de 1500 ans.

Dans le musée archéologique de Bavay
(photo par Axel)
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Malgré certaines brochures enthousiastes, disons-le net, les vestiges sont ici insaisissable à l’œil profane – du moins au visiteur habitué à des site plus considérables ou spectaculaires. Et il faut la subtilité du regard et une imagination fertile pour se risquer à reconstituer ce que put être cette capitale d’une civitas romaine à son apogée, au troisième siècle de notre ère. Aussi une visite préliminaire du musée implanté aux abords du forum antique, en plein cœur de la ville moderne de Bavay, s’impose-t-elle. Outre les agencements, fresques explicatives et artéfacts formant l’une des plus importantes collections de bronzes figurés du Nord de la Gaule, le visiteur pourra se faire une idée plus précise de ce que fut le chef-lieu des Nerviens, peuple belge devenu gallo-romain, comme tant d’autres, après les conquêtes de César. Se découvrira de même, au travers d’un film 3D, sorte de visite guidée fort bien menée, ce que fut le forum de Bagacum, de ses prémisses, au Haut-Empire à l’époque Flavienne, à sa fortification dans le mitan du IIIe siècle, sous la menace des invasions barbares.
Inutile de préciser, sauf à vouloir passer au travers l’essentiel, que la visite guidée du site s’impose ensuite. Car à Bagacum la parcimonie incite à l’attention. Et sans le verbe éclairé des passionnés ou érudits de l’antique cité, la marche sous les voutes ouvertes du crypto-portique risque de s’avérer déceptive, faute de clés pour saisir toute la richesse des lieux.


Dans le musée archéologique de Bavay (photo par Axel)
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Vue de la muraille de Bagacum (photo par Axel)
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Pour le déroulé en détail de l’émergence de Bagacum ; de son apogée à son essoufflement jusqu’au trépas, je renvoie à la liste de sources trouvées sur la toile en fin de ce billet. Et donc de me contenter de quelques bribes choisies, à la manière de vestiges mentaux justes effleurés... Déjà échappés.

Bagacum fut ainsi implanté ex-nihilo sans doute entre 19 et 13 avant l’ère chrétienne, à l’époque d’Auguste. Le choix de l’emplacement est stratégique : la ville étant en effet placée au cœur d’un nœud routier, point de convergence de sept voies romaines à vocation tant militaires que commerciales.
Sur l’étymologie de la cité, les spécialistes ne s’entendent pas. Dispute en acum (suffixe) et en bagos, mot d’origine celte pour désigner un hêtre. Le lieu des hêtres donc, ou lieu des combats si on préfère y lire une racine en Baco, divinité gauloise d’humeur vindicative. Anecdotique essentiel, sinon existentiel [1].
Quant au forum de Bagacum, le plus grand de Gaule et qui nous reste en totalité (trois hectares) le début de sa construction est à situer vers les années 60 à 70 de notre ère, sous les Flaviens (Vespasien, Titus, Domitien). Il sera achevé à l’époque Séverine (IIIe siècle).  
Pour qui le visite, le forum offre le constat de différences de niveaux (trois pour être précis) : la basilique, l’esplanade, puis pour atteindre l’espace sacré un escalier à gravir. Il manque aujourd’hui le temple qui s’y trouvait en son sommet ; pour se donner néanmoins une idée de son allure, les imaginations fertiles pourront avec profit y transposer d’esprit la Maison Carrée de Nîmes.


Déambulations parmie les décombres du crypto-portique (photo par Axel)
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Notons aussi que Tibère visitera la ville encore inachevée lors de l’un de ses périples, en l’an 4 de l’ère du crucifié. On le sait, car pour marquer son passage, il était inévitable qu’un notable de la cité, un certain Cnaeus Lucinius Navos, fasse preuve, si l’on veut,  de sens historique sinon d’opportunisme, et se propose de consacrer une table de couleur cendrée à l’Empereur qui finira une trentaine d’années plus tard son existence retranché à Capri (pierre détruite en 1944).

Voilà pour l’essentiel.


Arches du crypto-portique de Bagacum (photo par Axel)
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Viendrons ensuite des époques troublées. Des vagues 
Piliers de Bagacum (photo par Axel)
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successives d’invasions barbares, poussant à remplacer les échoppes de la ligne du forum par des fortifications ; forteresse dérisoire contre la fatalité.
Car le glas sonnera bientôt, avec la décision du déplacement de l'administration impériale à Camaracum (cambrai) au début du Ve siècle.
Les ultimes témoignages d'une occupation dans le forum de Bagacum n’iront pas au-delà des années 430 à 450 ; des corbeaux et autres oiseaux au manteau noir sans doute…

Et si aujourd’hui l’on peut visiter si considérables vestiges à Bagacum - ce qui est vivement encouragé -, en regards de ce que l’on pouvait voir au début du siècle dernier, par une ironie de l’histoire, on le doit en grande partie aux bombardements de la seconde guerre mondiale, qui dégagèrent en quelque sorte le terrain, chassant la plèbe du terrain de fouille, comme le fit un séisme sur les terres de Milet en 1955...

Pour le dire avec le cynisme le plus vulgaire : Dulcis in fundo [2]

Vue vers le musée archéologique de Bavay (photo par Axel)
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LIENS UTILES
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INRAP :forum antique de Bagacum
Forum antique de Bagacum
Nord Mag - Bagacum
Bagaco-nervio

Dans le musée de Bavay (photo par Axel)
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A Bagacum...(photo par Axel)
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Vue de l'esplanade du forum de Bagacum (photo par Axel)
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[1] Dispute ontologique : hêtre / être ; dualité à la yin/yang. Platonisme celtique et je sais quoi d’autre – le délire peut aller assez loin ; voir se perdre sur les sentiers fumeux de saturne… Prose évidement à prendre à la rigolade.
[2] Le meilleur est pour la fin (Tiré du dictionnaire des sentences latines et grecques de Renzo Tosi).

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