Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


13 mai 2018

Autour du paon... Un écrivain voyageur

Paon sauvage, Sri-Lanka (photo par Axel)
« A quelques pas de moi, perché sur l’angle de la balustrade, un paon dormait la tête sous l’aile. (…) Je battais un peu la campagne à me demander ce que je pouvais bien faire ici. Ce paon aussi, je le regardais, flairant je ne sais quelle supercherie. Malgré sa roue et son cri intolérable, le paon n’a aucune réalité. Plutôt qu’un animal, c’est un motif inventé par la miniature mogole et repris par les décorateurs 1900. Même à l’état sauvage – j’en avais vu des troupes entières sur les routes du Dekkan – il n’est pas crédible. Son vol lourd et rasant est un désastre. On a toujours l’impression qu’il est sur le point de s’empaler. A plein régime il s’élève à peine à hauteur de poitrine comme s’il ne pouvait pas quitter cette nature dans laquelle il s’est fourvoyé. (…) Je mourrai sans comprendre que Linné l’ait admis dans sa classification… »[1] 

Lecture sicilienne... 
Un avis tranché de l’écrivain voyageur. Pourquoi non ? Après tout le rêveur crépusculaire, englué dans « l’île », n’exprime ici que la singularité de son ressenti. Un instantané en quelque sorte, venu effleurer la peau sans entamer le derme du réel…

Un philosophe, remuant ses souvenirs dira plus sobrement, mais non sans élégance :  
« Le matin, on eût dit que tous les oiseaux d’Afrique se donnaient rendez-vous dans les feuillages et les frondaisons pour s’époumoner dans un récital assourdissant. Le soir, à leurs trilles, leurs chants, leur caquètements, se mêlaient les cris des paons »[2]

C’est que l’oiseau est associé parfois aussi à la mélancolie, même si la tradition alchimique, s’appropriant la symbolique du plumage ocellé de sa queue, fera écrire à Jung, dans Mysterium conjunctionis :
« L’arc-en-ciel, en tant que phénomène coloré, a pour parallèle la cauda pavonis, la queue du paon, sujet de prédilection des dessins et gravures dans les anciens ouvrages imprimés et manuscrit. (…) La cauda pavonis est encore qualifiée dans les termes suivants : âme du monde, nature, quintessence, elle fait germer toutes choses ».

Oui, à chacun son mystère…

Paon & compères au marigot... (Photo par Axel)




[1] Nicolas Bouvier, Le poisson-scorpion.
[2] Frédéric Schiffter, On ne meurt pas de chagrin.

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